Enquête Assises 2018

Résultats de l’enquête nationale sur la protection de l’enfance :
«acteurs éducatifs et familles autour des besoins de l’enfant», 2018
réalisée par l’ODAS et le JAS à l’occasion des 11èmes Assises Nationales de la Protection de l’Enfance



Alors que les besoins de l’enfant sont placés au centre de la politique de protection de l’enfant telle que définie par la loi du 14 mars 2016, la 11e édition des Assises de la Protection de l’Enfance s’intéresse plus particulièrement aux évolutions à l’oeuvre et à la manière dont les pratiques s’adaptent à ce nouveau paradigme.

En effet, l’un des principaux objectifs de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant vise à mieux prendre en compte les besoins de l’enfant et également à améliorer le recours et la collaboration à la famille et à l’entourage de l’enfant. Comment les répondants jugent ils les évolutions sur ces sujets ? Quel regard portent les acteurs de la protection de l’enfance sur le travail avec l’entourage de l’enfant, le recours à sa famille, la protection par le statut…? Au travers de cette enquête, plus de 3300 personnes concernées par la protection de l’enfance nous donnent leur vision des pratiques actuelles d’accompagnement des enfants et de leurs familles.

Une courte majorité de répondants pensent que la qualité de travail avec les parents des enfants suivis en protection de l’enfance a évolué positivement, 55%, pour 39% qui sont d’un avis contraire, les autres
ne se prononcent pas.

Un détaillé des réponses des personnes qui se sont prononcées fait apparaître des différences notables selon les professions déclarées. En effet ce sont 75% des personnels administratifs, 68% des magistrats qui pensent que cette qualité s’est améliorée alors que 63% des assistants familiaux expriment que ce n’est pas le cas, là où les travailleurs sociaux reflètent l’avis général.

Pour les professionnels qui ne sont pas dans l’accompagnement quotidien des enfants et des familles il semble bien qu’on soit conscient d’une amélioration de la qualité de travail avec les parents.

Comment se fait-il que les assistants familiaux soient d’un avis si différent ?

Selon les acteurs concernés par la protection de l’enfance, les capacités des parents ne sont pas suffisamment sollicitées dans le cadre de l’accompagnement de l’enfant, cet avis est exprimé par 57% des répondants, 40% pensent le contraire.

Et cette fois, les différents corps professionnels se rejoignent, à l’exception cependant des personnels administratifs et des assistants familiaux qui sont encore plus sévères avec respectivement 62% et 64% d’entre eux qui jugent le recours aux capacités parentales insuffisant.

Globalement, la nécessité de renforcer la prise en compte de l’entourage de l’enfant dans l’évaluation de la situation et son accompagnement fait consensus : pour 84% des répondants il est indispensable de faire mieux alors que seuls 12% pensent que la situation actuelle est satisfaisante à cet égard.

On peut souligner le paradoxe de cette analyse par les professionnels chargés d’accompagner l’enfant et de mettre en oeuvre les modalités de la loi de 2016 préconisant le recours accru aux proches de l’enfant. Quels sont les empêchements à la mise en oeuvre de cette orientation forte de la loi de 2016?

La prise en compte des besoins de l’enfant et de l’expression de sa demande : des avis très mitigés

Dans le cadre de l’accompagnement de l’enfant, la prise en compte de ses besoins et également de l’expression de sa demande donne lieu à des avis très mitigés de la part des acteurs concernés par la protection de l’enfance. Ce sont les professions juridiques, magistrats et avocats, qui évaluent le plus
positivement ce travail avec les enfants là où travailleurs sociaux et personnels administratifs semblent plus partagés. Cette différence d’appréciation se retrouve dans les réponses aux deux questions posées.

Les acteurs de la protection de l’enfance semblent être divisés sur cette question de la prise en compte suffisante des besoins de l’enfant dans le cadre de son accompagnement. Ils sont autant à considérer que les besoins de l’enfant sont suffisamment pris en compte que le contraire. Difficile dans ces conditions d’avoir une vision tranchée de la situation.

La même tendance se dessine en ce qui concerne la prise en compte de l’expression de la demande de l’enfant dans le cadre de son accompagnement. 48% des acteurs concernés par la protection de l’enfance estiment que l’expression de la demande de l’enfant est prise en compte pour 46% qui pensent le contraire. La réponse à cette question semble avoir été parfois ardue à formuler en raison d’une confusion entre prise en compte de l’expression de la demande et prise en compte de la demande. Une formulation peut-être un peu trop casuistique !

La protection par le statut : on est loin du compte

Il s’agit cette fois de savoir si les acteurs de la protection de l’enfance ont été sensibles à cette orientation de la loi du 14 mars 2016 qui sécurise et précise ce qu’on qualifie communément de protection par le statut, facilitant le changement de statut dans les situations de délaissement parental. Alors qu’on aurait pu imaginer qu’en deux ans l’attention portée à ces situations permette de faire évoluer rapidement l’analyse et les réponses apportées il semble qu’on soit très loin du compte. En effet, ce sont 78% des acteurs de la protection de l’enfance qui estiment que dans trop de situations le délaissement est identifié sans donner lieu à un changement de statut. Les magistrats sont moins sévères avec 68% de cet avis, sans doute parce que le nombre de dossiers examinés par la justice est en nette augmentation. Quant aux 11% qui ne se prononcent pas on peut imaginer que sur cette question très technique de la protection par le statut il est difficile de se prononcer sans avoir bénéficié d’une solide information.

De 2017 à 2018 : Quelle vision sur les objectifs de la protection de l’enfance et l’avenir de la jeunesse ?

En une année comment ont évolué les visions des acteurs de la protection de l’enfance sur les objectifs de cette protection de l’enfance et sur l’avenir de la jeunesse?

Alors que la société française vit une période de changements assez inédits, les réponses restent majoritairement pessimistes.

Sur les objectifs de la protection de l’enfance c’est l’inquiétude qui domine et qui augmente. En effet, alors qu’en 2017 la confiance était de mise pour 55% des répondants, en 2018 ce ne sont plus que 32% qui se sentent confiants ! L’inquiétude concerne 63% des répondants pour 41% en 2017. Que s’est-il passé en une année pour saper à ce point le moral des acteurs
de la protection de l’enfance ? Après une période d’intenses travaux dans le domaine de la protection de l’enfance, avec la création sous le précédent gouvernement d’un ministère de plein exercice dédié à la famille_ les professionnels considèrent-ils que leurs préoccupations sont moins prises en compte ? La situation financière délicate des départements et ses conséquences sur les accompagnements, en particulier des jeunes majeurs, la prise en charge des mineurs non accompagnés peuvent-elles expliquer l’expression de ces inquiétudes?

Paradoxalement les résultats sont un peu plus optimistes pour l’avenir de la jeunesse puisqu’on passe de 24% à 29% de répondants confiants et de 74% à 68% de répondants inquiets. Pas de quoi se réjouir cependant, l’avenir paraissant sombre aux deux tiers des répondants.

Conclusion

Deux ans sont passés depuis la loi du 16 mars 2016, et les résultats de cette enquête sur la protection de l’enfance peuvent sembler paradoxaux à bien des égards.

Les acteurs de la protection de l’enfance souhaitent que les capacités des familles soient beaucoup plus valorisées, qu’on prenne davantage en compte l’entourage de l’enfant et qu’on améliore la prise en compte des besoins de l’enfant.

Par ailleurs la protection par le statut semble à une écrasante majorité ne pas être suffisamment utilisée.

Cependant ce sont ces mêmes acteurs qui ont vocation à mettre en oeuvre ces orientations. Pourquoi jugent-ils aussi négativement leur action ? Quels sont les freins à la traduction opérationnelle de leurs aspirations? Comment rétablir la confiance en l’avenir?

Les échanges lors des Assises Nationales de la Protection de l’Enfance à Nantes les 28 et 29 juin 2018, durant lesquelles seront notamment commentés ces résultats, entendent y contribuer.

Méthodologie

Cette enquête Nationale Protection de la Protection de l’Enfance a été réalisée sous la responsabilité du Journal des Acteurs Sociaux par l’Observatoire de l’Action Sociale, au printemps 2018.

Le questionnaire a été envoyé par mail à plus de 10 000 acteurs concernés par la protection de l’enfance. Tous les départements ainsi que les DROMCOM sont représentés parmi les répondants. Le nombre moyen de réponses par département est de 37 avec un minimum de réponse par territoire de 1 et un maximum de 139.

Ce sont plus de 3 300 réponses qui ont été enregistrées, analysées, soit 1 300 réponses de plus qu’en 2017. L’échantillon a été majoritairement composé de travailleurs sociaux, personnels administratifs et assistants familiaux, ces derniers étant très nombreux à avoir répondu cette année. Par ailleurs les magistrats se sont particulièrement mobilisés cette année pour répondre au questionnaire en dépit de difficultés techniques liées au formulaire web. Que chacun des répondants soit remercié de sa participation à cette enquête.

Acteurs% 2018% 2017
Travailleur ou travailleuse social(e) (fonction publique ou domaine associatif )46,2%59,99%
Personnel administratif, y compris cadre chargé(e) de la protection de l’enfance (fonction publique ou domaine associatif )19,4%21,4%
Assistant(e) familial(e) ou maternel(le)12,1%2,4%
Médecin, personnel médical ou paramédical, psychologues et thérapeutes7,8%8,8%
Autre4,8%0,9%
Personnellement concerné(e) par la protection de l’enfance4,4%3,4%
Magistrat(e) ou avocat(e)1,7%0,7%
Personnel enseignant, d’animation culturelle, sportive et de loisirs1,2%1,2%
Bénévole0,9%1,0%
Chercheur, journaliste, consultant et formateur0,9%0,7%
Non renseigné0,5%0,2%
Élu(e) local(e) ou national(e)0,2%0,1%
Total100,0%100,0%

Analyse et synthèse des résultats réalisées par Marie-Agnès Féret, chargée d’études Protection de l’Enfance à l’Odas, assistée de Kandia Fofana.