Enquête Assises 2017

AVONS-NOUS PROGRESSÉ ?

Ce qu’en pensent les professionnels : présentation des résultats de l’enquête réalisée auprès des acteurs de l’enfance pour ces 10èmes Assises sur leur perception générale du bilan de cette décennie.


1. Introduction

Dans le cadre des 10èmes Assises Nationales de la Protection de l’enfance, le JAS, en collaboration avec l’Odas et le BPE, s’est attaché à vous donner la parole sur le bilan et les perspectives que vous dressez des dix années écoulées depuis la loi de 2007.

Ce sont en effet plus de 2000 personnes concernées par la protection de l’enfance, plus ou moins directement, dans leurs professions ou tout simplement dans leur vie, qui se sont exprimées en répondant à cette enquête et vous êtes probablement nombreux dans cette salle à l’avoir fait.

La présentation des résultats que nous vous proposons doit être précédée d’une mise en garde méthodologique. Cette enquête ne prétend pas à une analyse exhaustive de la loi de 2007 qui reposerait sur des critères objectifs d’évaluation. Nous sommes dans l’exposé du ressenti de différents acteurs dont la perception personnelle et sans doute subjective est fonction de la place qu’ils occupent dans le dispositif de protection de l’enfance.

Cette précaution énoncée n’enlève rien à la pertinence de l’enquête : les acteurs interrogés sont plutôt bien placés pour percevoir les avancées et limites de ces 10 dernières années en protection de l’enfance. Par ailleurs, le ressenti, même s’il relève du subjectif, ne vient pas du néant, surtout quand il est partagé. Et ce sont bien ces ressentis qui nourrissent les pratiques quotidiennes des acteurs qui font vivre la protection de l’enfance : on a donc tout intérêt à les mesurer.

Avant de vous présenter les principaux résultats de l’enquête, dont vous trouverez les détails dans le dernier Jas, revenons rapidement sur la méthode déployée pour cette enquête.

2. Méthodologie

Les données recueillies reposent sur la diffusion d’un questionnaire, par mail, au printemps 2017.

C’est le public des Assises, acteurs concernés par la protection de l’enfance, qui a été visé par cette enquête. Le questionnaire a donc été diffusé par mail à ce public qui a pu le transférer à d’autres acteurs concernés.

Au final, 4282 mails ont été ouverts et 2001 réponses au questionnaire ont été enregistrées.

Type d’acteurs ayant répondu au questionnaire %
Travailleur ou travailleuse social(e) (fonction publique ou domaine associatif)59,9%
Personnel administratif, y compris cadre chargé(e) de la protection de l’enfance (fonction publique ou domaine associatif)21,4%
Médecin, personnel médical, paramédical, psychologue ou thérapeute8,8%
Personnellement concerné(e) par la protection de l’enfance3,4%
Assistant(e) familial(e) ou maternel(le)2,4%
Personnel enseignant, d’animation culturelle, sportive ou de loisirs1,2%
Bénévole1,0%
Magistrat(e) ou avocat(e)0,7%
Chercheur, journaliste, consultant(e) ou formateur0,7%
Non-réponse0,2%
Elu(e) local(e) ou national(e)0,1%
Total général100%

Comme vous pouvez le voir, l’échantillon ainsi construit est constitué d’une majorité de travailleurs sociaux. Les personnels administratifs sont les deuxièmes plus représentés. Les professions médicales et psychologiques sont aussi bien représentées ainsi que  les assistants familiaux. En revanche, on constate une faible représentation des personnels enseignants et d’animation, des magistrats et des élus locaux.

Les réponses recueillies couvrent quasiment l’ensemble du territoire français, DROM/COM compris. Seuls deux départements ne sont pas représentés dans cette étude par la réponse d’au moins un de ses acteurs.

3. Résultats

Le ressenti d’une meilleure construction des décisions

Un point positif : les acteurs concernés par la protection de l’enfance perçoivent une amélioration de la construction des décisions sur ces 10 dernières années.

Pour la première étape de cette construction : parvenir à repérer les situations préoccupantes et à les évaluer, la loi de 2007 visait ainsi à «renforcer le dispositif d’alerte et d’évaluation des risques de danger». Les acteurs concernés par la protection de l’enfance semblent satisfaits de l’évolution de la protection de l’enfance dans ce domaine. En effet,

Au niveau du repérage des situations préoccupantes,  ce sont plus de 60 % des personnes interrogées qui ont un avis positif sur la  question.

En matière d’évaluation des situations, le ressenti est le même mais dans une moindre mesure. Là encore la majorité trouve que la protection de l’enfance a progressé ou plutôt progressé. Un bémol, l’idée de stagnation prend encore plus d’importance et est citée par presque 30 % des répondants.

Autre étape de la construction d’une décision en protection de l’enfance : parvenir à entendre l’enfant et sa famille pour prendre une décision conforme à l’intérêt de l’enfant. La loi de 2007 insistait largement sur ce point.

Comme vous pouvez le voir sur le graphique de droite, une petite majorité d’acteurs estiment que les enfants sont davantage entendus sur les décisions qui les concernent en protection de l’enfance. [GRAPH5] La majorité est plus affirmée en ce qui concerne l’écoute des parents : plus de deux tiers des acteurs considèrent que les parents sont davantage impliqués dans le projet pour l’enfant.

Et en fin de compte, la meilleure prise en compte de l’intérêt de l’enfant apparaît plutôt effective selon les acteurs de la protection de l’enfance. Près de 60 % d’entre eux estiment qu’il guide davantage de décisions, contre moins de 40 % qui n’expriment pas d’évolution positive en la matière.

Des manques encore criants en amont et en aval

Alors même que la loi de 2007 visait aussi, en amont de la construction des décisions, à développer la prévention, et en aval, à améliorer les modes de prise en charge, les acteurs concernés par la protection de l’enfance dressent un bilan plus nuancé sur la réalisation de ces deux objectifs.

Du côté de la prévention, les deux tiers des acteurs concernés par la protection de l’enfance ressentent une stagnation, voire une régression.

Au niveau de la construction des parcours, le constat est beaucoup plus sévère. Seulement un quart des acteurs estiment que la protection de l’enfance a gagné en cohérence sur cet aspect. Les trois quarts restants se divisent entre l’idée d’une stagnation et d’une régression.

Interrogés sur la question d’une meilleure réponse aux besoins des enfants, déclinée entre le milieu ouvert et le placement, le ressenti des acteurs est mitigé. Sur le placement, il s’avère un peu plus négatif : les acteurs de l’enfance qui constatent une meilleure réponse aux besoins des enfants dans les mesures de placement sont dépassés de 10 points par ceux qui ne voient pas d’amélioration en la matière.

Malgré une vision partagée, les inquiétudes persistent

Le bilan est donc en demi-teinte pour ces dix dernières années en protection de l’enfance. Du côté des perspectives, si les acteurs semblent adopter une vision commune de ce vers quoi doit tendre la protection de l’enfance, de nombreuses inquiétudes persistent.

En effet, sur ce graphique, on voit bien que ce ne sont pas tant les objectifs du dispositif que ses moyens et son organisation qui inquiètent les acteurs concernés par la protection de l’enfance.

Une certaine confiance sur les orientations actuelles

S’ils sont moins inquiets sur les objectifs, c’est peut-être qu’ils semblent valider les dernières orientations prises par la loi de 2016. Un tiers d’entre eux considèrent que la loi de 2016 a permis de clarifier la loi de 2007 et un quart vont jusqu’à dire qu’elle l’a améliorée. Et peu nombreux sont ceux qui font état de complexification et encore moins d’altération.

Les moyens au cœur des inquiétudes

Sur le sujet des moyens, c’est une véritable inquiétude qui s’exprime et près de 90 % des acteurs concernés par la protection de l’enfance qui déplorent actuellement un manque de moyens financiers suffisants dédié à la protection de l’enfance pour que sa mission soit menée à bien. C’est le ressenti le plus unanime, avec 64% qui répondent sans nuances « non ».

Une organisation qui souffre d’un manque de dynamique partenariale

Les inquiétudes sur l’organisation ne sont quant à elles peut-être pas sans lien avec le ressenti d’une progression encore timide dans les relations partenariales.

C’est tout d’abord le cas pour le travail entre le département et la justice. 35 % considèrent que les acteurs de la protection de l’enfance au sein du département travaillent mieux, ou plus précisément plutôt mieux, avec l’institution judiciaire, quand près de la moitié nient cette analyse.

La répartition des réponses est à peu près la même quand on interroge l’amélioration des relations de travail entre le département et l’éducation nationale, avec cependant une moins grande proportion de répondants qui précisent ignorer ce qui se passe.

L’idée de davantage mobiliser les travailleurs sociaux auprès des enseignants, autres personnels, parents et enfant au sein des établissements scolaires recueille alors beaucoup d’avis favorables. A cette question, les « oui » et les « plutôt oui » forment un bloc de 80%.

Un manque de certitudes sur l’avenir

Pour finir, interrogés plus généralement sur l’avenir de la protection de l’enfance, les inquiétudes prennent largement le dessus. Là aussi on voit se former un bloc de 80 % entre ceux qui se sentent plutôt inquiets et inquiets sur l’avenir du dispositif.

Ce fort niveau d’inquiétudes est sûrement à comprendre à la lumière d’un ressenti plus général sur  la société dans son ensemble. Interrogés sur l’avenir de la jeunesse en France, les trois quarts des acteurs concernés par la protection de l’enfance expriment une inquiétude, et ce quel que soit leur âge.

Conclusion

Pour résumer, les acteurs concernés par la protection de l’enfance dressent un bilan mitigé des dix dernières années en protection de l’enfance, qui ne suffisent pas à leur faire reprendre confiance en l’avenir.

étude réalisée par Marie-Agnès FERET et Lise SIMON